Passer de la Maîtrise des Délais au Management des Délais ou gérer le temps comme une ressource
La majorité des entreprises ont mis en place une organisation pour gérer l’utilisation de leurs ressources financières. Rares sont celles qui s’intéressent à la gestion de la ressource temps. Ce devrait pourtant être une des préoccupations majeures de l’entreprise, un des rôles majeur du PMO (Project Management Office).
Le retard est souvent indolore ; personne dans l’entreprise ne fait le bilan de la façon dont on a dépensé la ressource temps. Pourtant le temps est une ressource qui s’épuise même si on ne la consomme pas. C’est ainsi qu’on devrait s’intéresser à :
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La ressource temps par rapport à l’horloge du marché
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La ressource temps par rapport à l’horloge de la technologie
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Le temps comme l’indicateur de la performance
Il n’est pas rare de voir des dérapages importants sans que personne ne trouve à redire : « nous avons eu d’autre priorités ».
Ceci entraine des dysfonctionnements, des gaspillages importants, des occasions manquées :
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Des produits qui ratent la fenêtre du marché,
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Des technologies dépassées quand elles arrivent sur le marché,
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Des produits qui sont mis sur le marché sans avoir été véritablement validés,
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Des activités qu’on doit reprendre,
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Des équipes inoccupées ou au contraire surchargées,
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Des acteurs qui s’attendent les uns les autres,
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Des moyens qui sont payées au prix fort faute d’anticipation,
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Un encours projet important qui gonflent le besoin en fond de roulement,
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Des aléas qui n’ont pas été anticipés,
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Des pénalités à payer,
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Une capitalisation d’expérience entre projets qui n’a pas pu se faire,
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Un contrat de maintenance impossible à signer
… tout cela à cause d’une mauvaise prise en considération de la ressource temps.
Dans mon parcours j’ai eu l’occasion de participer à quelques projets significatifs et j’ai toujours été sensible au rapport des chefs de projets au temps.
La majorité des chefs de projet mettent le focus sur la nécessaire maîtrise des délais (tenir dans les objectifs de délais qu’on s’est fixé), plusieurs sur la diffusion d’un sentiment d’urgence (ils mettent la pression), mais seuls quelques-uns –souvent les plus expérimentés – portent réellement leur attention sur une bonne gestion de la ressource temps et sur ce qui fait réellement le délai sur un projet
J’aime à dire que le délai est un long fleuve tranquille qui s’écoule sans bruit et qui prend sa source :
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Dans la façon de prendre en charge du projet
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Dans les choix organisationnels
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Dans les choix techniques…
et que c’est dès l’origine du projet qu’il convient de prendre les bonnes options.
J’ai ainsi pu relever plusieurs pratiques intéressantes du point de vue de la gestion de la ressource temps. Sans prétendre être exhaustif un certain nombre de ces pratiques méritent d’être relevées pour être mieux analysées.
La première d’entre elles sur laquelle aujourd’hui chacun s’accorde : la place donnée au projet dans l’entreprise. Dans certaines organisations la priorité systématiquement est donnée à l’opérationnel aux dépens des projets ; il n’y a pas de chef de projet officiellement nommé et chaque chef de département mène lui-même à bien ses projets « en plus » de son travail opérationnel. Dans un tel contexte les projets ont vite tendance à dériver.
La solution : mettre en place un management par projets avec des chefs de projets dédiés autres que les hiérarchiques métiers et même, si nécessaire, créer une Direction des Projets.
Ensuite, la gestion de l’effort projet de l’organisation : les projets dérivent souvent pour cause de sur abondance de projets :
Beaucoup de projets sont lancés et peu aboutissent
Les ressources zappent continuellement d’un projet sur l’autre en fonction des priorités
Plusieurs projets sont mis en sommeil
Les projets sans résultat probant sont stoppés trop tardivement…
La solution : la mise en place d’une Gestion de Portefeuille qui permet de s’assurer qu’on lance les bons projets, qu’on a vérifié qu’on avait les moyens de les réaliser et qui fixe les priorités entre les projets.
Le choix du cycle de vie du projet : le cycle de vie vise à organiser la façon dont on va faire converger le projet vers le résultat :
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En concentrant les efforts de chacun sur les questions du moment
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En donnant des jalons intermédiaires à projet
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En cherchant à éviter les remises en cause tardive
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En s’assurant que toutes les actions visant à obtenir la qualité et la sécurité ont bien été prises en compte…
Le modèle le plus fréquent est le modèle en cascade qui consiste à s’assurer qu’une phase du projet est bien terminée pour engager la suivante.
Cependant cette prudence n’est pas toujours compatible avec les délais qui nous sont imposés par le marché qui parfois nécessite d’anticiper l’engagement de certaines phases (fast track) ou de raccourcir la prise de connaissance du projet par les métiers successifs qui travaillent de plus en plus en parallèle (concurrent engeniering).
De même souvent notre difficulté à préciser suffisamment le besoin nécessite de le définir au fur et à mesure dans un dialogue à organiser avec les clients et les utilisateurs : on travaille alors suivant les méthodes agiles avec notamment la pratique du time boxing.
L’organisation des équipes projet : plusieurs éléments concernant l’équipe vont également influer le durée globale du projet :
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La taille de l’équipe : une équipe « ramassée » favorise les prises de décision rapides
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La localisation géographique : une équipe dispersée sur plusieurs sites oblige à penser différemment les modes de communication et oblige à s’assurer que celle-ci est bien passée. Un de réflexes du chef de projet est souvent de regrouper sur un même plateau toute son équipe, ou, par exemple de délocaliser une partie de son bureau d’études sur les lieux de réalisation.
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L’organisation des responsabilités au sein de l’équipe : il est reconnu que le fonctionnement en matriciel permet une meilleure optimisation de la gestion des ressources, mais que inversement des personnels détachés à plein temps sur un projet sont plus efficaces d’un point de vue maîtrise des délais.
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Sans compter sans une bonne définition de l’organisation et des activités de chacun…
L’impact des choix techniques : les choix techniques rentrent en ligne de compte à plusieurs niveaux :
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tout d’abord dans l’élaboration des spécifications : les spécifications vont décider de la complexité du produit, et donc de l’effort de développement et donc de la durée du projet ; elles doivent être simples et bien élaborées pour permettre un démarrage rapide du développement ; après que le client et les utilisateurs aient donné leurs points de vue, les métiers doivent travailler ensemble pour trouver les compromis face à des exigences souvent contradictoires et identifier les facteurs cruciaux à prendre en compte
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ensuite dans l’architecture du produit : la complexité du produit, le nombre d’interfaces, la modularité, la réutilisation de sous-ensembles, les réserves de performance… autant de choix d’architecture qui vont générer plus ou moins de délais en étude, en développement, en tests, en intégration, en documentation, en coordination…
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enfin, le degré d’innovation (par incrément ou radicale) et la localisation de cette innovation va générer de nombreuses essais, attentes de décisions
La fiabilisation des objectifs délais par la prise en compte des risques délais lors de la fixation des objectifs. Pour cela l’identification et la gestion des marges est essentielle : les aléas sont fréquents et disposer d’un minimum de marges est absolument nécessaire pour avoir une chance de tenir ses objectifs de délais. A partir de quand une activité doit-elle être considérée comme critique ? Comment caler les activités ? Doit-on tout faire au plus tôt ? Dans quelle mesure peut-on disposer des marges ? Pour lisser les ressources ? Pour obtenir des meilleurs prix des fournisseurs ? Pour se faire de la trésorerie ? Autant de questions que le chef de projet se pose dans son approche stratégique des délais.
D’autres aspects pourraient être développés comme l’apport des outils collaboratifs, la gestion et la sécurisation des points clés…
Que devient dans tout cela le triptyque performance / coût / délais ? Il reste une préoccupation majeure du chef de projet, mais souvent on constate que bien manager les délais (et donc l’utilisation des ressources)… souvent c’est aussi bien manager les coûts et la performance.
A une époque ou les Apple, Google, Amazon sortent des produits et développent de nouvelles offres à une vitesse soutenue, il est intéressant de s’interroger sur nos pratiques en matière de management de la ressource temps dans les projets. Il est surtout important de sensibiliser tous les acteurs à l’enjeu et à l’impact de leurs micro-décisions sur les délais.
Je me propose d’approfondir ces pratiques dans mes prochains posts avec des exemples pris chez les clients d’OPTEAM.
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