Débuter et lancer un nouveau projet n’est pas toujours une chose aisée. On peut avoir un projet original, différent et dont les perspectives sont intéressantes mais dont la réussite n’est pas garantie. Quel que soit le projet, le plus dur c’est de trouver l’angle d’attaque, de partir sur de bonnes bases. C’est pourquoi cette étape souvent appelée cadrage ou première planification doit être prise avec beaucoup de considération.
Nous avons rencontré Monsieur Jean ELLEGOET, le directeur du cabinet OPTEAM, qui nous a donné quelques bonnes pratiques pour bien démarrer les projets.
Bonjour Monsieur Ellégoët, pourquoi ce thème ?
Comme chacun sait, la première planification fixe dans les grandes lignes les objectifs et les conditions de déroulement du projet.
Des objectifs délais trop courts ? Un budget insuffisant ? Un périmètre mal défini ? Une mauvaise évaluation de l’importance de chaque phase ? Des risques sous-estimés ? Une organisation inappropriée ? Une gouvernance insuffisante ? Un cadre contractuel inadapté ? … c’est le projet qui démarre sur de mauvaises bases et c’est le chef de projet qui rencontre des difficultés pour rentrer dans ses objectifs.
Au contraire, des délais trop larges ? Des coûts trop importants ? Des risques surestimés ? Des marges trop généreuses ? … c’est une mauvaise utilisation des ressources, un risque de sur-qualité, si ce n’est pas tout simplement la perte du contrat assurée.
La phase de cadrage est donc essentielle dans un projet, même si la tentation est grande de négliger cette étape et de se lancer immédiatement sur la base d’estimations rapides.
Comment s’y prendre ?
Comment faire le juste nécessaire sans y passer trop de temps ni consommer trop de ressources ? Quelles ont les questions importantes à se poser avant de fixer les objectifs de coûts et de délais et de s’accorder avec son commanditaire et sa hiérarchie sur les conditions de réalisation du projet ?
Il s’agit de passer par une étape de cadrage qui se matérialise par une note de cadrage présentée en revue de direction. Cela nécessite de prendre un peu de temps et de travailler en équipe pluridisciplinaire aux conditions de démarrage du projet.
Une revue d’offre est une façon d’accepter formellement le démarrage du projet par la Direction et de valider les moyens à mette en place pour mener à bien le projet. Par exemple, dans le BTP, sur un chantier, quand le directeur des travaux et son chef de chantier prennent en main leur projet ils commencent par vérifier si le devis qui a servi à la négociation du contrat est toujours valable et font une contre étude de prix.
Quels sont, à votre avis, les aspects à prendre en compte ?
Il est nécessaire de commencer par établir le périmètre du projet (ce qui est compris dans le projet et ce qui est exclu) et les facteurs environnementaux à prendre en compte (le contexte économique et politique, la localisation géographique, la période durant laquelle se déroule le projet, etc).
Ensuite, il faut être attentif à la complexité du projet, autant à la complexité organisationnelle et relationnelle, qu’à la complexité technique. Il est important de ne pas oublier le niveau de maturité du projet, et donc de s’assurer que la définition du projet est bonne et que les informations sur le sujet à traiter sont disponibles.
Il est aussi important, avant de s’engager dans le projet, de vérifier la faisabilité du projet, c'est à dire les exigences et les contraintes majeures à prendre en compte et leurs impacts sur les coûts et les délais.
Comment interviennent les risques dans la première planification ?
Il s’agit d’identifier les risques au bon niveau et de voir comment on les prend en considération.
Il peut exister des risques inacceptables et il alors faut se reposer la question de l’intérêt de lancer le projet ou tout au moins de revoir les conditions dans lesquelles le projet doit être lancé.
Lorsqu’il y a des risques majeurs, il est nécessaire de les mettre sous contrôle dès le départ. Il est parfois même encore temps de négocier avec le client de la prise en compte ou non de ces risques.
Les risques projets doivent être identifiés et des solutions de réduction des risques doivent être proposées. Ceci permet une estimation au plus juste des coûts et des délais sur les projets. Ce qui est essentiel dans cette phase de cadrage, c’est de bien définir les risques qui ont été pris en compte et ceux qui ne l’ont pas été.
Dans cette phase de cadrage des décisions structurantes pour la suite du projet sont prises : le type de contrat dans lequel on s’engage, le rôle qu’on accepte d’y jouer, l’organisation du projet, l’importance accordée à chaque phase, les points d’étape, les facteurs clés de succès…
Avez-vous des exemples à donner à nos lecteurs ?
J’ai récemment mené une mission dans une société de production de câbles. Le bureau d’études d’une trentaine de personnes faisait chaque fin d'année une prévision des projets à mener en cours d’année suivante. Force était de constater que le bilan n’était pas glorieux et que sur dix projets décidés pour chacun des membres du bureau d’études seuls un à deux d’entre eux arrivaient à son terme dans l’année prévue.
Avant d’introduire une démarche pour la première planification nous nous sommes posés les questions suivantes : combien de projets ont dû être abandonnés en cours de route malgré un effort important mais dilué dans le temps ? Combien de projets sont arrivés après que la fenêtre du marché se soit refermée ? Quel volume d’encours projet que l’entreprise est incapable de valoriser faute d’avoir finalisé l’étude ?
L'introduction de la note de cadrage nous a permis de réduire le nombre de projets lancés et de s’assurer d’une fixation adéquate des délais et des budgets. Les résultats se sont fait sentir immédiatement et le nombre des projets entèrement réalisés dans l’année a été multiplié par trois.
Auriez-vous des recommandations ?
De nombreux projets sont souvent engagés sans réflexion préalable suffisante et les chefs de projets se trouvent parfois « embarqués » malgré eux sur des projets avec des objectifs difficilement tenables. Des ressources sont immobilisées sur des projets qui se révèlent finalement sans intérêt et qui risquent fort de ne pas aller au bout…
La
note de cadrage formalise les conditions dans lesquelles les projets sont engagés et valide les accords entre le chef de projet et sa hiérarchie sur les moyens mis à la disposition des projets.
Un
Comité de Sélection des Projets se réunissant tous les trois mois permet de statuer rapidement sur l’intérêt de poursuivre ou de stopper un projet.
OPTEAM a développé une journée cadre qui permet aux acteurs concernés dans l’entreprise de réfléchir à leur façon et d’établir une première planification :
http://www.opteam.fr/seminaire-de-partage-d-experience.
Merci beaucoup !
Jean ELLEGOET
Expert en Management de Projet